« L’urgence climatique est un danger pour la paix », a déclaré ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques et à la consolidation de la paix. M. Miroslav Jenča s’exprimait à la réunion sur le climat et la sécurité au cours de laquelle le Conseil a été appelé à mobiliser une action climatique collective.
Distanciation sociale oblige, c’est chacun dans sa mission que les 15 membres du Conseil font leur déclaration et dialoguent avec leurs invités, grâce à un système de visioconférence spécialement conçu pour eux.
Le Sous-Secrétaire général a prévenu que même s’ils n’ont pas de lien direct avec les conflits, les changements climatiques exacerbent et créent de nouveaux risques. Dans le monde entier, les pays fragiles ou touchés par les conflits se retrouvent plus exposés et moins capables de gérer l’impact des changements climatiques. Ce n’est pas un hasard si 7 des 10 pays les plus vulnérables et les moins préparés à gérer les aléas du climat accueillent une opération de paix ou une mission politique spéciale, a fait observer le Sous-Secrétaire général.
Selon M. Miroslav Jenča, il faut agir sur plusieurs fronts à commencer par une action climatique ambitieuse et un engagement à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Tout échec en la matière saperait les efforts de prévention des conflits et de rétablissement et de consolidation de la paix, risquant de piéger des pays vulnérables dans le cercle vicieux des catastrophes naturelles et des conflits.
Dans la région du Sahel, a acquiescé le Directeur du Centre national d’études stratégiques et de sécurité (CNESS-Niger), 80% de la population dépendent d’activités sensibles au climat. Les changements climatiques, a alerté le Colonel Mahamadou Seidou Magagi, auront forcément des conséquences néfastes sur la paix et la sécurité régionales. Déjà au Niger, la plupart des conflits dans les zones rurales se sont produits entre agriculteurs et éleveurs et cette concurrence s’aggrave dans le centre du Mali et dans le nord du Nigéria. Le Directeur du Centre a parié sur une aggravation sensible des tensions, compte tenu des prévisions météorologiques et du fait que le Sahel a l’un des taux de croissance démographique les plus élevés au monde, environ 3% par an.
Quant à la région du Pacifique, l’élévation du niveau de la mer, a indiqué la Directrice de « Sustainable Pacific Consultancy », explique pourquoi les dirigeants ont fait de l’enregistrement des frontières maritimes leur priorité pour veiller à ce qu’une fois fixée, elles ne soient pas contestées malgré les effets des changements climatiques. Mme Coral Pasisi a aussi parlé de ces effets sur l’économie bleue. Certains pays, s’est-elle alarmée, risquent d’enregistrer des pertes allant jusqu’à 10 à 15% de leurs revenus. En outre, en l’absence de mesures d’atténuation et d’adaptation ambitieuses, des milliers d’habitants des îles vont prendre la décision de fuir et d’émigrer. Le Conseil doit mobiliser l’ambition internationale avant que le monde ne soit confronté à un problème sécuritaire plus grave que personne ne pourra relever, a-t-elle asséné.
La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.
M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a déclaré que l’urgence climatique est un danger pour la paix, expliquant que les changements climatiques exacerbent et créent de nouveaux risques même s’ils n’ont pas de liens directs avec les conflits. « Dans le monde entier, les situations fragiles ou touchées par les conflits se retrouvent plus exposées et moins capables de gérer les répercussions des changements climatiques. » Ce n’est pas un hasard si 7 des 10 pays les plus vulnérables et les moins préparés à gérer les changements climatiques accueillent une opération de paix ou une mission politique spéciale, a-t-il estimé.
M. Jenča a, dès lors, appelé à agir sur une multiplicité de fronts, à commencer par une action climatique ambitieuse et un engagement à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Il a également prévenu que tout échec à prendre en considération les impacts croissants des changements climatiques sapera les efforts déployés en matière de prévention de conflit, de rétablissement et de consolidation de la paix, risquant ainsi de piéger des pays vulnérables dans un cercle vicieux de catastrophe climatique et de conflit.
Poursuivant, le Sous-Secrétaire général a appelé à tirer parti des nouvelles technologies et à améliorer les capacités analytiques pour traduire la prévision climatique à long terme en une analyse concrète et à court-terme. Le mécanisme de sécurité climatique a élaboré des directives en la matière, tandis que la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) met sur pied un système d’alerte précoce qui combine des techniques de télédétection avec une analyse de la densité de population et des données sur les déplacements pour anticiper les tensions potentielles au sujet des ressources en eau.
M. Jenča a invité à placer l’être humain au centre des efforts et à apprendre de ceux qui subissent quotidiennement les conséquences des changements climatiques sur leur sécurité. Il a également appelé à mieux intégrer les objectifs de consolidation de la paix, d’environnement et d’égalité des sexes en s’appuyant sur le pouvoir des femmes et des jeunes en tant qu’agents de changement. À titre d’exemple, il a indiqué qu’au Chocó, en Colombie, un projet pilote interinstitutions de l’ONU encourage la participation des femmes à la gouvernance environnementale et à la gestion des ressources naturelles dans le contexte de la mise en œuvre de l’Accord de paix, avec des effets positifs sur la consolidation de la paix au niveau local.
M. Jenča a aussi recommandé de renforcer les partenariats multidimensionnels et de faire le lien entre le travail de l’ONU, les États Membres et les organisations régionales, entre autres. La Stratégie régionale en faveur de la stabilisation, du redressement et de la résilience des zones du bassin du lac Tchad touchées par Boko Haram, dirigée par l’Union africaine et la Commission du bassin du lac Tchad, illustre le potentiel que recèlent les approches inclusives qui tiennent comptes du climat et de la sécurité pour tracer la voie vers la stabilité, a-t-il dit. Il a également cité des initiatives menées en Afrique de l’Ouest, dans la région du Pacifique et en Asie centrale. Ces exemples adaptés et spécifiques à une région peuvent fournir des informations et des leçons précieuses pour de futurs partenariats, a-t-il estimé.
Soulignant que les changements climatiques sont implacables et que leurs effets en cascade continueront de croître et d’évoluer, il a appelé à rester vigilant et avoir le courage d’ajuster les approches établies pour qu’elles soient adaptées à un monde modifié par les changements climatiques. Et surtout, nous devons traduire les mots en actions, a-t-il lancé, soulignant que le relèvement de la pandémie est l’occasion de renforcer la résilience et de promouvoir la justice climatique.
Dans ses remarques de clôture, le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques a vu la discussion d’aujourd’hui comme la preuve du long chemin parcouru pour comprendre et commencer à aborder l’impact des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales. « Mais ne nous leurrons pas : nos actions sont en retard sur nos paroles. » La riposte multilatérale aux répercussions sécuritaires des changements climatiques ne correspond pas à l’ampleur du défi auquel nous sommes confrontés, a-t-il prévenu, avant d’appeler à travailler ensemble et à avancer plus vite.
Le Colonel MAHAMADOU SEIDOU MAGAGI, Directeur du Centre national d’études stratégiques et de sécurité (CNESS-Niger), a indiqué que dans la région du Sahel, les températures, oscillant en moyenne entre 25 et 45 degrés Celsius, devraient augmenter de 2,5 degrés d’ici à 2060. Quelque 80% de la population sahélienne dépendant d’activités sensibles au climat pour leur subsistance, les changements climatiques auront forcément des conséquences néfastes sur la paix et la sécurité régionales. Au Niger, a-t-il indiqué, la plupart des conflits dans les zones rurales se sont produits entre agriculteurs et éleveurs. Cette concurrence s’aggrave dans le centre du Mali et dans le nord du Nigéria. Le Directeur du Centre a parié sur une aggravation sensible des tensions, compte tenu des prévisions météorologiques et du fait que le Sahel a l’un des taux de croissance démographique les plus élevés au monde, environ 3% par an.
Une étude du CNESS-Niger dans la partie du lac Tchad au Niger a d’ailleurs révélé que les inondations successives de 2012 et 2013 ont stimulé le recrutement de Boko Haram, les jeunes ayant perdu leurs récoltes. Une autre étude d’Adelphi a démontré le cercle vicieux des changements climatiques et de la dynamique des conflits dans la région du lac Tchad. Si les changements climatiques sont un « multiplicateur de menaces », il ne faut pas pour autant oublier, a mis en garde le Directeur du Centre, que la pauvreté et les faibles capacités de l’État sont souvent des facteurs de conflit « plus influents ». Un rapport d’ « International Crisis Group » montre que l’incapacité des États-nations à gérer correctement les tensions entre agriculteurs et éleveurs conduit à des conflits violents. Selon le rapport, la propagation des conflits dans la région est moins liée à la diminution des ressources qu’à la transformation des modes de production et à une concurrence mal régulée dans l’accès à des ressources de plus en plus convoitées, en particulier les terres arables.
Le Directeur du Centre a présenté les initiatives du Niger pour atténuer les effets des changements climatiques et renforcer la résilience des populations. Le pays n’a pas connu de famine depuis 2011, grâce à la mise en œuvre de l’Initiative « 3 N », « Les Nigériens nourrissent les Nigériens », qui a permis de réduire de 50% la part de sa population menacée par l’insécurité alimentaire.
SOURCE Conseil de sécurité des Nations Unies